Quand je me lève le matin, je me dis : Est-ce qu'Agnès est là ? Dois-je aller nourrir Boskoop ?
Quand c'est un jour où Christine commence à 8h15, je me force à me lever, pour me trouver un but, quelque chose qui me donnera envie d'arriver à 8h au lycée. Et, surtout, de me sortir de mon lit.
Car arriver à 8h au lycée n'est pas un problème. Suffit que je ne me lève pas 20 minutes après la sonnerie du réveil.
Le matin mon dégoût envers EUX est déjà là.
Si encore ILS étaient laids mais gentils, ça irait.
Mais ILS ne sont même pas gentils.
J'ai envie de me précipiter dans les toilettes et de vomir tout ce qu'il y a dans mon ventre.
La fatigue me prend en cours. J'ai envie de dormir, de m'échapper par la fenêtre, de ne pas noter ce que la prof d'histoire dit parce que ça me fatigue, parce que je ne comprends rien et que j'ai l'impression d'être totalement vidée de mon énergie.
Je n'ai plus envie de rien faire.
Ce futur bac me paralyse de peur. Je me dis que je n'y arriverai jamais.
Je ne comprends pas comment tant de gens ont réussi à l'avoir, comment tant de gens ont pu passer par là. Pourquoi justement nous, pourquoi nous on l'aurait pas ? Pourquoi on est pas "LAMENTABLES" mais "HYPER LAMENTABLES" ?
Et pourquoi ceux des années précédentes sont toujours meilleurs que nous ?
Je suis découragée.
Sauf que j'aime bien aller en français. Mais je ne suis même plus heureuse d'aller en cours d'espagnol. Je n'ai plus envie de parler, plus envie de lever la main.
Je passe toutes mes récrés et tous mes midis dans l'accueil, entre le couloir et la fenêtre, près des plantes et des malettes.
Je reste là. Je fais semblant d'attendre quelqu'un. Mais je n'attends personne.
Je reste là pour croiser quelqu'un de connu. Quelqu'un qui me dira simplement bonjour.
J'peux même pas faire comme dans "Mars" de Zorn, parce que y'a plus de machine à café.
Je fais des aller-retour, du couloir à la cafèt, de la cafèt au couloir.
Ma seule amie du midi est en train de corriger des copies.
Je vais lui acheter un brownie, lui fait porter par Nadia qui murmure qu'elle a trop de chance, qu'elle a encore un cadeau.
Je ne vais plus au CDI. Avant j'y vivais presque. C'était ma deuxième maison. (Plutôt ma première d'ailleurs). Mais là, à quoi bon ?
Souvent je retourne vivre ailleurs, dans mes rêves.
Je suis là, contre ce mur, à voir passer tous les gens qui comptent tellement pour moi mais pour qui je ne suis qu'une simple élève.
Ils me caressent la joue, me passent la main dans les cheveux, trouvent quelque chose à me demander, à me dire, à me rappeler.
Ce sont eux qui m'intéressent.
Quand je rentre chez moi, je rentre à reculons.
J'veux pas rentrer j'veux pas rentrer.
Bon, y'a l'ordinateur, y'a peut-être un message de Christine, peut-être un commentaire sur Joueb, y'a "Un, Dos, Tres" à regarder...
Mais je ne suis pas heureuse. ILS me dégoûtent. Et chacune de LEUR parole m'exaspère profondément. Alors je tourne des films dans ma tête, j'écris des chansons, des poèmes, comme je fais le soir, jusqu'à pas d'heure, tout en rêvant entre William Sheller et Pascal Obispo.
J'aime quand même bien le midi. Quand je n'ai aucun devoir à faire, aucun rendez-vous spécial. Que j'ai mon porte-monnaie dans ma poche et que je peux aller au centre commercial, m'installer au Casino-Caféteria avec un muffin au chocolat et lire, ou bien regarder les gens passer en esperant voir quelqu'un que je connais.
Je voudrais pouvoir profiter de la vie.
Pouvoir faire exactement ce que je veux quand je veux.
Profiter de l'incertitude délicieuse qui fait que l'on ne sait jamais ce qui va se passer à la seconde d'après.
Mais tant de secondes de passées. Et tant de choses que j'aimerais faire, spontanément.
Mais que JE NE PEUX PAS FAIRE.
Monter à la gare, acheter un journal, prendre un ice-tea dans un bar enfumé, prendre le premier train qui part pour Paris, arriver à St Lazare vers 17h05. Marcher jusqu'à la place des Ternes, me sentir vivre comme à chaque fois que je me retrouve à Paris.
Et me présenter au numéro 6. Apprécier le sourire de la dame de l'accueil qui est toujours adorable.
Monter au deuxième étage. Être accueillie par ma grande Sylvaine. Et goûter l'ambiance que j'affectionne tant.
Les clopes fumées vite fait, les cafés pressés, la tension qui monte, les regards étonnés, le parfum de Jeanne mêlé à celui du tabac. Fragrance chère à mon coeur. Rassurante et pourtant si bizarre. Mais tendre, douce, un peu métallique.
Me balader dans les couloirs, les pieds sur la moquette grise, les mains caressant les murs blancs, mes yeux qui se trouvent partout.
J'ai envie d'aller me perdre dans ce monde là. Celui dans lequel je me sens vivre. Même si je ne suis qu'une stagiaire qui n'a pas le droit d'être là.
Je me sens tellement bien.
Mais Sylvaine est trop loin, Christine est occupée.
Et Elle... Elle n'a pas le droit d'être là, avec moi.
Oh, je l'aime tant. Elle...
Commentaires :
sonatenfa
Là je crois que je suis tout simplement sous le charme de ton écriture :)
Je sais bien que les propos sont tristes, mais l'atmosphère qui reste après la lecture est néanmoins paisible, douce, emplie de sentiments tendres. (cela doit te ressembler non ?)
Il n'y a pas de solution pour l'instant, et je crois que personne n'aura la prétention de te le faire croire. Alors accroche toi comme tu as toujours su si bien le faire depuis bientôt un an que tu laisses tes traces ici :)
Et laisse tes peurs s'exprimer, c'est légitime. Mais n'oublie pas la valeur que tu as en toi, tes capacités et autres potentialités liées à divers talents : crois en toi comme Elle a cru en toi, pour t'aimer ainsi. Certes Elle n'a pas le droit d'être avec toi pour l'instant, mais Elle t'aime, c'est déjà un essentiel non ? Et un jour Elle ne sera jamais plus loin ni occupée comme les autres, puisqu'Elle sera ton amour au jour le jour, que pour toi :D
Alors encore une fois : courage !
:)